Les outils de conception architecturale ne cessent d’évoluer.
Si les représentations en deux et trois dimensions de l’architecture – plans, coupes, élévations, maquettes – ont toujours existé, il fallut l’invention de la perspective géométrique au Quattrocento pour établir une relation scientifique entre celles-ci. Pour autant, rare furent les projets conçus en maquette avant d’en produire les plans. En effet, l’élaboration même de cette dernière suggère sa représentation en deux dimensions. Elle ne sert qu’à vérifier la conception architecturale avant de devenir l’analogon du projet.
La révolution numérique dans la conception et le suivi technique du projet déconstruit cette hiérarchie par la maquette numérique à l’œuvre dans le BIM (Building Information Model). Désormais, les documents en deux dimensions sont extraits d’un document virtuel en trois dimensions, une première à telle échelle dans l’histoire de l’architecture. Au-delà de la liberté formelle, d’ailleurs bien vite rattrapée par la réalité des filières de construction traditionnelle, la maquette numérique permet un meilleur contrôle de la conception et de l’exécution technique des ouvrages. Elle synthétise les informations du projet. Ses représentations photo réalistes permettent de visualiser les futures architectures tandis que les simulateurs thermiques optimisent les dispositifs en œuvre tout en garantissant le confort des usagers.
Ce nouveau mode de processus de projet facilite la communication entre ses différents acteurs, des concepteurs aux usagers en passant par les entreprises ; chaque intervenant le nourrissant de son savoir et expertise. Comme tout processus ouvert, il nécessite donc un médiateur – le BIM manager. L’usager du bâtiment trouve naturellement sa place dans ce processus de communication. Et à l’issus du chantier, il reçoit le modèle numérique de son bâtiment, lui permettant d’en assurer le contrôle et la maintenance. Projeter dès maintenant en BIM, c’est déjà prendre part à la révolution de la construction et de l’architecture que les impressions 3D, bientôt de grandes échelles préparent. Elles construiront les formes qu’offre la maquette numérique. Elles accompagneront de nouvelles attentes émergeant des fab labs. Elles bouleverseront l’économie, l’organisation et les techniques des filières traditionnelles du bâtiment. Elles donneront pleinement au BIM sa raison d’être.
À l’heure de l’anthropocène, autonomie énergétique, circuits alimentaires courts, matériaux bio-sourcés, corridors écologiques, ne sont plus des idéaux mais des nécessités. Les bâtiments doivent désormais produire de l’énergie, récupérer et filtrer les eaux, ménager la biodiversité. Ils doivent être en même temps simples à vivre, pratiques et confortables. L’urbanisme doit considérer la ville constituée et le périurbain comme appartenant à des écosystèmes fragiles à préserver.
Au-delà d’une évolution technique, les sociétés européennes aspirent à de nouvelles pratiques qui offrent à l’architecture durable un terreau précieux. De nouveaux usages apparaissent ou resurgissent. Les AMAP comme les potagers urbains traduisent l’envie de circuits alimentaires courts. Les réseaux sociaux accompagnent le partage des ressources, garant d’économie mais aussi de solidarité. Avec la dématérialisation, le travail s’envisage différemment : co-working ou télétravail doivent transformer nos conceptions du bureau et du logement.
Nécessités environnementales et envies de nouveaux modes de vie convergent et offrent à l’architecture et à l’urbanisme du XXIe siècle l’occasion unique de résoudre une contradiction inhérente aux artefacts : concilier nature et artifice.